samedi 20 juin 2009

D'une rive a l'autre de la Mesopotamie.

Mercredi soir, nous sommes donc a Deir ez Zour, ville de 160 000 ames accrochee a l' Euphrate et balayee par les vents du desert. Apres Beyrouth, Tripoli, Damas et Palmyre, c'est la cinquieme ville etape de notre remontee hors de Syrie. Le soir on va traverser le petit pont suspendu, fleuron de l'ingenierie coloniale francaise pour se retrouver de l'autre cote de l'Euphrate dire bonjour a la Mesopotamie. Ce soir la, la ville et le fleuve baignaient dans de la puree de pois a cause d'une tempete qui, sur la route de Palmyre a Deir ez Zour, aura reduit la visibilite de notre car a pas plus de 5 metres.

Deir ez Zour: ici c'est le far west, mec.



Ben devant l'Euphrate. Au loin, le fleuve qui a abreuve tant de civilisations se perd dans la brume.


Le lendemain a 9 h commence notre grande course pour rallier la Turquie avant le soir. C'est pas que ce soit loin a vol d'oiseau mais le trajet est loin d'etre direct. On commence par aller jeter un oeil a la gare routiere pour apprendre que le prochain car pour Qamishli, la ville frontiere, part apres midi. Bon, il ne nous reste plus qu'a aller prendre un minibus pour Hasseke. Le minibus dans lequel on monte est pilote par un vieux bedouin a keffie qui ne connait qu'un seul mode d'expression: les hurlements. D'abord, il nous braille que nos deux sacs vont jamais rentrer dans son coffre et qu'il faudra qu'on paye une place pour l'un d'entre eux. Ensuite il beugle encore plus fort quand d'autres passagers viennent le prier de les faire monter a la place de notre sac. Apres 10 minutes de palabres a 130dB dont nous sommes les temoins muets, il attrape mon sac et le fourre a l'arriere avec celui de Ben en le bourrant bien comme un porc (le sac).

Dans le minibus nous etions coinces, les genoux de travers avec en face de nous 3 bedouines de noir vetues dont deux qui allaitaient. Une fois depasse l'Euphrate, et jusqu'a Hasseke, le paysage n'est que desert, desert et desert.

A Hasseke on change de minibus pour aller jusqu'a Qamishle. Cette fois, notre conducteur etait un fan de Jesus et son vehicule etait climatise. A Qamishle, un taxi nous depose devant le poste frontiere. Nous voyant arriver, des douaniers (je pense que c'etait des douaniers... ils avaient pas un uniforme de flic...et puis, allez faire la difference entre un flic moustachu et un douanier moustachu) nous ont acceuilli a coup de "welcome ! where are you from ?" trop contents qu'ils devaient etre de voir debarquer des touristes a leur poste frontiere. L'un d'entre eux parlait un peu francais et m'a avoue son admiration pour les Champs-Elysees et Julio Iglesias. La taxe de depart acquitte, les questions rituelles repondues ("vous allez ou ?" et "t'es Syrien toi ?") et nos passeports tamponnes nous avons gagne le droit d'attendre, avec des dizaines d'autres personnes (dont beaucoup de kurdes, a en juger par les sonorıites de leur langue et l'accoutrement colore des vieilles femmes) chargees de gros sacs plastiques pleins de marchandises, que le portail qui nous separe du cote Turc du poste frontiere soit ouvert.

Une demie heure plus tard, c'est la cohue: un garde approche avec des cles. Une maree humaine se masse devant le portail, en bloquant l'ouverture, tandis que le garde se demene et aboie sur la foule pour l'ouvrir assez pour laisser passer les voitures. Durant cette operation, quelques petits malins se faufilent et passent avant tout le monde, avec les voitures. Ceux qui comme nous s'etaient trop rapproches de la porte se retrouvent coinces entre le grillage, la foule et les voıtures qui se frayent un passage au petit bonheur. Ben manque de laisser un genoux dans cette affaire. Apres les voitures, c'est au tour des personnes de passer au compte-goutte. Avec nos gros sacs a dos et notre manque d'experience du combat a mains nues, il nous est difficile d'avancer. Heureusement, un des flics avec qui j'avais un peu papote en franglais nous voit et nous tire par la main pour nous faire franchir le portail en priorite. Ouf, ca y est, on est sortis !

Du cote Turc notre statut de touriste nous a aussi aide a passer la frontiere en priorite. En allant faire tamponner nos passeports une main gantee de latex m'a subrepticement introduit un thermometre dans l'oreille; je suppose que ca a un rapport avec la virulente epidemie de grippe cochonne qui fait des morts par millions a travers le monde en ce moment. Quoi qu'il en soit, j'etais clean.

Un dernier controle de nos passeports par l'armee et on se retrouve a Nusaybin, trop contents de pouvoir enfin se relacher un peu devant un bon gros plat comme la Turquie nous y avait habitue. On premier minibus va nous deposer a Mardin, charmante petite ville touristique accrochee a flanc de montagne mais depourvue d'hebergement pas cher. Au passage, depuis le minibus on aura pu saisir le contraste flagrant entre les paysages cote turque et et ceux que l'on a vu le matin du cote syien. C'est comme si, au moment de decouper l'empire Ottoman, quelqu'un avait trace les frontieres de la Turquie a l'endroit exacte ou les terres vallonnees et fertiles de l'Anatolie cedent la place au desert aride et rocailleux de Syrie. Mais, ne dit-on pas "malin comme un Turc" ?

Apres Mardin, donc, un deuxieme minibus nous emmene a Diyarbakır. Diyarbakır, construite sur un plateau qui surplombe le Tigre, bastion des kurdes de Turquie, limite septentrionale de l'avancee Arabe au 7e. siecle et puis prise et reprise par tellement de royaumes locaux kurdes et turcs que les 6 km d'imposante muraille qui entourent la ville n'ont pas du etre construits uniquement pour faire joli.

Diyarbakir, sa muraille, ses bastions et les plaines du Tigre

A la suite d'une rencontre fortuite avec deux marchands de tapis qui voulaient nous faire decouvrir leur ville nous sommes entres dans une vieille maison restauree ou de vieux kurdes chantaient de longues complaintes traditionnelles, certains sur un ton melancolique, d'autres avec un air plus passionne.


Un kurde qui chante, c'est comme un Corse: faut vraiment pas le faire chier.



Assurancetourix


Enfin, la grande mosquee de Diyarbakır ressemble a une version miniature de celle de Damas. Elle aussi a ete construite par les Arabes sur une eglise byzantine elle meme construite par dessus un temple paien. Enfın bref, le beau bordel habituel quoi. Mais contrairement a la mosquee de Damas, sa deco est un peu fruste.

Avant de rentrer dans la mosquee nous avons enleve nos chaussures et pour Saroumane c'est difficilement supportable.


6 commentaires:

  1. Bon anniversaire Madanaille!!

    Et garde la barbe, ça te va comme un chef.

    La bise à vous.

    Paquito.

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  2. Aïd milad saïd....

    L'histoire des complaintes traditionnelles, doit être une séance de prières et psalmodies, telles qu'elles sont pratiquées par certaines zaouias ( soufies ou traditionalistes) entre la troisiéme priére ( Al asr, vers 16, 17 h) la quatriéme ( Al maghrib, au coucher), les chapelets servent à cela puisque ils permettent de calculer le nombre de priéres, en général un chapelet est constitué de 33 boutons ou perles, qui peuvent être plus perfectionnés, en permettant des comptages par dizaines. Neuf perles rondes normales et la dixième, de forme différente, reconnaissable au toucher. Le chapelet de 33 permet aussi de psalmodier des prières qui doivent être dites par 100.
    Quand vous aurez l'occasion regardez bien les chapelets.
    D'ailleurs vous avez très bien décrit deux émotions qui sont dominantes dans ces prières:la mélancolie et la passion. Lors de fêtes plus solennelles, ces émotions aboutissent à des états d'extase et transes. Comme chez les Gnawas, les Hmadchas, ou même les Boutchichis......
    Mélancolie: J'ai péché, j'ai raté le paradis, je prie, et je prie, et je prie...... pour y accéder si dieu m'offre sa clémence. Généralement ce sont des gens qui ont dépassé les 60, retraités ou commerçants actifs, qui aprés une vie d'hédonistes et épicuriens, qu'ils n'ont plus la possibilité physique de continuer, se mettent à lorgner sur la vie hédoniste et épicurienne promise au paradis. Qui sait? Peut être qu'elle existe!!...Et hop on essaie de se procurer une invitation, en priant. ( lire Naguib Mahfouz, "La trilogie du Caire" entre autres )
    La passion: effectivement d'autres sont passionnés par leur croyance ferme et inébranlable. Ils sont muslims dans le sens étymologique du terme : celui qui se soumet. Soumission à dieu avec passion.

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  3. .....Dorénavant à chaque fois que vous traverserez une frontière, chantez : "Imagine" , des Beatles.
    La scène que vous décrivez je l'ai vécue au début des années 70 aux frontières hispano-françaises ( et l'inverse) dans les gares de Hendaye et Irun, et celles de Cerbère et Portbou. Et ce sont les mêmes scènes aujourd'hui dans les frontières entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, lorsqu'on y passe à pied. Il faudra décerner au passeport la distinction suprême de " Document Du XXéme Siècle". Et ensuite célébrer l'heureux mariage entre le visa et le passeport, un mariage qui date des années 90. Tout en espérant que ces deux là, ne feront pas des petits. Sinon, Gare!!!

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  4. Dans l'oreille le thermometre, hein? -_-

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  5. Joyeux anniversaire Madani (avec un peu de retard, mais c'est le décalage horaire)!
    Dire que tu as délaissé nos soirées de chansons françaises pour écouter un kurde s'époumoner...Attention, la maturité te guette!
    Plein de biz
    Gaëlle

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  6. Chere Gaelle,

    Je ne sais pas si tu as remarque, mais en general quand l'une de nos soirees tournait au braillage de chansons française, soit je me debrouillais avec Dani pour aller pirater la musique et mettre quelque chose de plus viril (Angel of Death !!) soit je m'eclipsais, soit je boudais. :)
    Ceci dit, une soiree entiere de chansons kurdes, je ne croıs pas que je tiendrais non plus.

    Bisous et a bientot !

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