mardi 30 juin 2009

Iran, oui ! Mais comment ?

Aujourd'hui nous sommes a Doğubayazıt, au pied du mont Ararat (*), a 30 km de l'Iran et pourtant nous en sommes encore a nous demander quand et comment on va passer la frontiere. On pourrait partir d'ici mais on a decide que prendre le train serait plus civilise que les minibus en serie. Le probleme c'est que d'apres le site internet des TCDD (la SNCF turque) il y a bien un Damas-Teheran qui passe par Van les mardi soir a 18h49 et un İstanbul-Teheran les vendredi soir a 18h49 aussi mais a la gare de Van lundi un vieux type qui avait surement autre chose a faire (nous etions les seuls etres humains dans le hall de la gare) nous a dit que a) il y avait des trains les autres jours (Lundi et Mercredi aussi) b) qu'ils etaient a 22h00 et non pas 18h49 et c) qu'on ne pouvait acheter les billets que le jour-meme. Allez comprendre.

On nage donc dans le flou total, on hesite a partit demain a peine rentres a Van ou a rouiller deux jours a Van avant de partir vendredi. Ou encore a prendre le Van-Tabriz de Jeudi. Sachant qu'on est meme pas sur des horaires et que la totalite de l'Internet (et c'est vaste, l'Internet) contredit le petit gros moustachu qui nous a renseigne sur les horaires lundi. Alors, que faire, qui croire, pourquoi le colonel Moutarde a-t-il assassine le professeur Lenoir dans le petit salon plutot que dans la cuisine ?



(*)

dimanche 28 juin 2009

Photos sur l'internet !

Comme on en a marre de perdre notre appareil photo, on a confié nos photos a M. Google pour qu'il en prenne bien soin comme il sait si bien prendre soin de toute notre vie.

Elles sont maintenant accessibles ici (enfin petit à petit) :

http://picasaweb.google.fr/bendomart

Photos: Tatvan, le mont Nemrut et la traversee du lac de Van


Le "front de lac" de Tatvan. Pas de beton hideux, de plages surchargees, non, rien qu'une belle petite promenade avec les montagnes au loin




Ben medite devant les paysages de reve du mont Nemrut





La, au milieu, si petite qu'elle est a peine visible, la petite cabane a çay





Mehmet nous preparant un petit barbecue de poulet au charbon.




Oh my god, que la montagne est belle !




Voila, une partie du fond du cratere. Mais qu'est ce qu'ils attendent pour y construire un Club Med ?







Le chemin de fer se finit ici, a l'embarcadere de Tatvan. Au dela, la correspondance se fait en ferry.




Le ferry se charge de ses wagons




A bord du ferry ...




Au loin, le temps se gate. Nous qui pensions prendre le bateau pour profiter du paysage, nous avons nage dans la grisaille pendant cinq heures...

Le lac de Van, ca vous gagne !

On commence a accumuler du retard, alors on va accelerer le rythme un petit peu. Attention, c'est parti.

Mercredi nous sommes repasses par Superman, pardon, Batman histoire de rigoler un dernier coup et de prendre un minibus pour Tatvan, au bord du lac de Van. Sur le trajet le bus a ete arrete a un checkpoint de l'armee turque et des militaires ont brievement fouille les compartiments a bagage avant de nous laisser repartir. De maniere generale la presence militaire turque dans la region est impressionnante et il n'est pas rare de croiser des convois transportant des troupes ou des blindes sur les routes, ou encore des postes de securite au bord de la route proteges par des barbeles et des mitrailleuses.

Les quelques dizaines de kilometres de route de montagne entre Bayklan et Bitlis etaient en travaux d'elargissement et de construction de tunnel ce qui a) nous a fait rouler sur du gravier a 15 km/h pendant une heure et b) contredisait mon nouvel ami a usage unique assis a cote de moi au fond du bus avec qui je baragouinais en arabe et qui me disait que la Turquie delaissait les infrastructures au Kurdistan et il en voulait pour preuve l'etat des routes de la region qui sont en general il faut le reconnaitre, tres etroites.

Arrives a Tatvan, a 1500 metres d'altitude, on respire enfin apres la chaleur etouffante de Diyarbakır et Hasankeyf.

A peine arrives on se fait aborder par un rouquin (mais neanmoins kurde) qui nous propose une excursion le lendemain sur le mont Nemrut, un enorme cratere volcanique qui culmine a 3000 m, juste en dehors de la ville. Ca tombe bien, c'est exactement pour ca que l'on etaient venus.

Le lendemain, donc, on embarque dans le minibus de Mehmet le vieux guide kurde avec trois autres touristes (une petite famille australienne) pour une journee champetre a travers les paysages verdoyants du cratere du mont Nemrut, de ses cinq lacs et de ses paysages bucoliques a en tomber par terre. Des fleurs des champs de toutes les couleurs, des grosses pierres d'obsidienne le long des pentes, les pics de la caldera qui cernent le paysage de tous les cotes et, au milieu de tout ca, une petite baraque a the. Un melange de Suisse, d'Islande et de reve. Un veritable jardin d'Eden ou l'on aurait envie de rester toute la vie a se baigner tout nu. Allez voir les photos, elles parlent d'elles-memes.

Ce jour-la on s'est aussi mordu les doigts de ne pas avoir de tente parce que Mehmet offre aussi l'hospitalite aux campeurs dans son village de bergers a cote du cratere. Mais bon, forcement on reviendra un jour.

Nous avion prevu de prendre le ferry le lendemain pour rejoindre Van, de l'autre cote du lac (au passage, remarquez comme la toponymie des lieux traverse devient ennuyeuse: Tatvan, le lac de Van, Van...) Comme personne a part les passagers de l'unique train bihebdomadaire a destination de l'est de la Turquie et de l'Iran ne prends ce ferry (le trajet en car dure deux fois moins longtemps), personne en ville n'a pu vraiment nous renseigner sur ses horaires de depart. Avec nos australiens on s'est donc fait deposer par Mehmet a midi le lendemain a l'embarcadere ou nous avons attendu 3 heures dans l'incertıtude la plus absolue avant de pouvoir embarquer a bord du ferry qui, nous cinq et les membres de l'equipage mis a part, ne transportait que des wagons de marchandises.

Arrivee a Van 5 heures plus tard. On y a rejoint Hasan, recontre par Couchsurfing et qui s'est avere etre le parfait contrepoint a nos recentes rencontres kurdes. Lui, le conflit separatiste il le vit depuis l'helicoptere de l'armee qu'il pilote dans les montagnes qui bordent les frontieres avec l'Irak et avec l'Iran. Un pur turc nationaliste pur jus, pas tres pro-independance, donc. Ce qui ne l'empeche pas d'etre fan d'Ahmet Kaya et de ses chansons revolutionnaires kurdes. Comme il dit, "de toutes facons nous sommes tous des Turcs". Allez comprendre.

Vendredi soir, il nous a emmene dans un bar ou un groupe jouait des standards turcs et il faut bien reconnaitre que c'etait pas mal. Beaucoup de chansons d'Ahmet Kaya, dont le public reprenait les paroles a tue-tete, ambiance Abreuvoir un jeudi soir (les Lyonnais savent de quoi je parle). Nous avons fete nos 6 semaines avec une pinte d'Efes, la cervoise locale, comme il se doit.

Photos: Hasankeyf


Hasankeyf-sur-le-Tigre, son pont, ses minarets et ses maisons accrochees a la colline...




...ses falaises vertigineuses et ses restaurants "pieds dans l'eau" sur les bords du tigre



Le petit cimetiere en ruines au sommet de la citadelle



Photogeniques a en crever, ces pierres...




Ben, face-a-face avec le Tigre



Mad, les pieds dans le Tigre...




Trois de nos nouveaux amis kurdes, leur camionette et leur bouillotes cabossees




"Heu, alors,attends, en turc le "u" vient avant le "ü", le "ş" avant le "s", le "ı" avant le "i"...ou vice-versa !"

Batman, les gorges du Tigre et les griffes du Pékaka (*)

(*): les noms politiquement sensibles ont ete intentionellement mal orthographıes pour contourner les logiciels de filtrage installes dans tous les cybers cafes de Van et qui nous ont deja joue pas mal de tours...
Suite de nos aventures touristico-rocambolesques dans le kurdistan turc. Au menu ce soir: toujours plus de dolmuş, un Tigre qui ronronne paisiblement dans son lit et un groupe de freedom fighters en claquettes.

Immobilises a Diyarbakır une journee de plus en raison d'une feria intestinale (Mad) et d'un concert de cuivres cerebral (Ben) dont la simultaneite fut probablement un signe que le sort a decide de ne pas trop nous retarder dans notre parcours, nous avons finalement repris la route Mardi pour nous rendre d'abord a Batman ou nous avons change de minibus direction le sud, le long de la route qui longe le Tigre, avant de nous arreter a Hasankeyf, un village de 3000 ames dont la principale attraction est une forteresse en ruine du 15 eme siecle perchee au dessus d'un promontoire rocheux qui domine les vertigineuses gorges que le Tigre a creuse de ce cote-ci de son lit. Comme la Cappadoce mais en plus reduit, Hasankeyf est aussi connu pour ses habitations creusees dans la roche.

La-bas, le soleil ne plaisante pas (comme dirait Goldman). Arrives a midi, nous avons eu la brillante idee d'aller crapahuter dans les ruines directement apres manger. Au bout d'une heure, nous avions fini nos 2 litres de reserve d'eau et malgre la vue epoustouflante sur la vallee de Tigre en contrebas, malgre les restes de l'ancienne petite mosquee perchee au sommet de la citadelle et de son cimetiere grele d'antiques pierres tombales a moitie defoncees, malgre la colline percee de toutes parts de grottes et de cavernes qui s'elevait un peu plus loin et nous faisait de l'oeil, nous avons du redescendre pour ne pas risquer une mort affreuse sous les innombrables blessures dessicantes que les vilains rayons ardents que le soleil n'arretait pas de darder sur nous ne manqueraient pas de nous infliger.

Arrives en bas, nous avons aperçu notre oasis: un petit promontoir betonne depuis lequel on pouvait se baigner dans le Tigre. On a donc rejoint les familles et surtout les enfants qui faisaient trempette, tout habille pour la plupart. A cet endroit, le Tigre est large mais ne depasse pas 50 cm de profondeur, parfait pour barboter sans se fatiguer.

Au bout d'une heure a se rafraichir les pieds dans le Tigre, un groupe d'hommes nous a invite a se rapprocher d'eux. C'etaient des ingenieurs de Türk Telecom a Batman venus passer une journee a la fraiche a Hasankeyf. Ils voulaient savoir d'ou on etait. Ils ne parlaient pas un mot d'anglais et ça tombait plutot bien car nous non plus ne parlions ni turc ni kurde. Ce qui ne nous a pas empeche d'apprendre a compter jusqu'a trois en kurde et, armes de ce solide bagage linguistique, de discuter a batons rompus pendant le reste de l'apres-midi, a grand renforts de gestes et de sourires. Nous avons parle de tout et de rien, des Turcs (des barbares cruels incivilises qui se servent de la laicite comme d'un pretexte pour imposer la culture turque), de l'armee (des barbares cruels incivilises qui sont les seuls vrais detenteurs du pouvoir en Turquie), de la situation des kurdes (opprimes, victimes d'executions sommaires et en deuil des 30,000 victimes de leur guerre contre l'etat turc), de Nicolas Sarkozy (a retenir: un petit "Sarkozy fasciste !" bien place ne manquera jamais de vous rendre sympathique aupres d'un kurde), de Mitterrand (que les kurdes ont l'air de kiffer - pourquoi ?), du Pékaka(*) et d'Otchalan(*) (la lutte armee desquels ils etaient d'ardents supporters), le tout sur fond de musique revolutionnaire kurde (a retenir: Şivan Perwer et Ahmet Kaya) que crachait le poste a cassettes de leur camionette, a l'ombre de laquelle ils nous ont invite a boire leur the, chauffe dans une marmite toute cabossee sur un rechaud a gaz de camping - un "guerilla çay", comme ils nous ont repete en plaisantant.

Il faut rendre ici un hommage particulier a notre mini dico bilingue Turc-Français achete a İstanbul et qui nous a ete d'une aide sans pareil pour echanger quelques mots avec nos nouveaux amis kurdes (ce dico est tellement surpuissant qu'il inclue le mot "thermosiphon").Apres une petite photo de groupe, ils sont repartis ensemble dans leur "guerilla camionnette", nous laissant retourner a notre chambre avec vue sur le Tigre (ambiance moustiques et croassements de grenouilles) mediter sur ce qui fut probablement la rencontre la plus interessante de nos 6 semaines de voyage.

Le lendemain nous avons mis les voiles pour le joyau du sud-est de la Turquie: le lac de Van. Aujourd'hui nous sommes a Van, a creuser les meninges pour trouver le moyen le plus sur de passer en Iran la semaine prochaine. Mais ça, c'est une autre histoire.

vendredi 26 juin 2009

L'art de l'errance

Apres un mois de pratique, les deplacements en minibus publics (dolmuş en Turquie, servis en Syrie) n'ont plus de secrets pour nous. La procedure est totalement maitrisee, que l'on peut decomposer de la maniere suivante:
  1. Localisez le terminal des minibus et s'y rendre
  2. Au milieu du vacarme des conducteurs qui repetent a tue-tete leur destination, faites comprendre a l'un d'entre eux le nom de l'endroit ou l'on veut aller
  3. Vous etes alors alors conduit au pas de course vers le minibus approprie. Les sacs enfournes a l'arriere, on vous fait signe prendre place, vite vite !
  4. Si tous les sieges sont occupes, c'est gagne, le minibus demarre; passez a l'etape 5. Si non, attendez entre 5 et 20 minutes que les 14 sieges du vehicules soient pleins et passez a l'etape 5.
  5. Tirez un de. Si vous tirez un 1, vous etes assis a l'arriere d'un minibus plein a craquer, avec pas assez de place pour vos genoux et vous devez vous contorsionner pour apercevoir le paysage. Pour vous consoler, pensez tres fort aux quelques pieces que vous avez economise par rapport a un bus de ligne normal. Si vous tirez un 6, vous etes dans un minibus confortable, climatise et avec assez de place pour faire tenir votre petit sac a provisions sur les genoux.
  6. Payez le conducteur. Pour etre sur de ne pas vous faire entuber, essayez de comprendre combien payent les autres passagers ("quoi, 1 euro pour faire 50km ? mais il est malade, c'est beaucoup trop !")
  7. (Syrie uniquement) Armez-vous de patience pour vous farcir durant tout le trajet des clips montrant en gros plan des jeunes filles bien en chair se tremousser sur de la pop locale aux synthes degueulasses (le synthetiseur est probablement la pire chose qui soit arrive a la musique Arabe apres Cheb Mami). Si vous avez de la chance, ce sera plutot un crooner libanais gomine a la truelle qui se lamente devant un feu de cheminee que sa belle est parti.
  8. Priez pour que, durant tout le trajet, Allah et Jesus soient plutot du cote de votre conducteur que de ceux arrivant en sens inverse.
  9. Le minibus arrive a son terminus. Si c'est votre destination, felicitations, rendez vous a l'etape suivante. Sinon, vous etes bons pour continuer le trajet en changeant de vehicule. Recommencez a l'etape 2.
  10. Ouvrez le plan du Lonely Planet puis rendez vous compte apres 10 minutes que vous n'etes pas du tout la ou vous devriez etre, car le terminal a ete deplace depuis la derniere edition. Pour trouver une ame charitable pour vous indiquer le centre-ville, tirez un de. De 1 a 4, l'ame charitable ne parle pas anglais et malgre tous ses efforts de communcation vous n'etes pas plus avance. Sur un 5 c'est un marchand de tapis / guide touristique qui viens vous aider. Vous arrivez a trouver le centre ville et un hotel mais apres il faut faire comprendre que vous n'avez besoin ni d'un tapis ni d'un tour organise. Sur un 6, c' est un etudiant en anglais ou en economie totalement desinteresse qui vous indique la bonne direction. Vous avez gagne.

samedi 20 juin 2009

D'une rive a l'autre de la Mesopotamie.

Mercredi soir, nous sommes donc a Deir ez Zour, ville de 160 000 ames accrochee a l' Euphrate et balayee par les vents du desert. Apres Beyrouth, Tripoli, Damas et Palmyre, c'est la cinquieme ville etape de notre remontee hors de Syrie. Le soir on va traverser le petit pont suspendu, fleuron de l'ingenierie coloniale francaise pour se retrouver de l'autre cote de l'Euphrate dire bonjour a la Mesopotamie. Ce soir la, la ville et le fleuve baignaient dans de la puree de pois a cause d'une tempete qui, sur la route de Palmyre a Deir ez Zour, aura reduit la visibilite de notre car a pas plus de 5 metres.

Deir ez Zour: ici c'est le far west, mec.



Ben devant l'Euphrate. Au loin, le fleuve qui a abreuve tant de civilisations se perd dans la brume.


Le lendemain a 9 h commence notre grande course pour rallier la Turquie avant le soir. C'est pas que ce soit loin a vol d'oiseau mais le trajet est loin d'etre direct. On commence par aller jeter un oeil a la gare routiere pour apprendre que le prochain car pour Qamishli, la ville frontiere, part apres midi. Bon, il ne nous reste plus qu'a aller prendre un minibus pour Hasseke. Le minibus dans lequel on monte est pilote par un vieux bedouin a keffie qui ne connait qu'un seul mode d'expression: les hurlements. D'abord, il nous braille que nos deux sacs vont jamais rentrer dans son coffre et qu'il faudra qu'on paye une place pour l'un d'entre eux. Ensuite il beugle encore plus fort quand d'autres passagers viennent le prier de les faire monter a la place de notre sac. Apres 10 minutes de palabres a 130dB dont nous sommes les temoins muets, il attrape mon sac et le fourre a l'arriere avec celui de Ben en le bourrant bien comme un porc (le sac).

Dans le minibus nous etions coinces, les genoux de travers avec en face de nous 3 bedouines de noir vetues dont deux qui allaitaient. Une fois depasse l'Euphrate, et jusqu'a Hasseke, le paysage n'est que desert, desert et desert.

A Hasseke on change de minibus pour aller jusqu'a Qamishle. Cette fois, notre conducteur etait un fan de Jesus et son vehicule etait climatise. A Qamishle, un taxi nous depose devant le poste frontiere. Nous voyant arriver, des douaniers (je pense que c'etait des douaniers... ils avaient pas un uniforme de flic...et puis, allez faire la difference entre un flic moustachu et un douanier moustachu) nous ont acceuilli a coup de "welcome ! where are you from ?" trop contents qu'ils devaient etre de voir debarquer des touristes a leur poste frontiere. L'un d'entre eux parlait un peu francais et m'a avoue son admiration pour les Champs-Elysees et Julio Iglesias. La taxe de depart acquitte, les questions rituelles repondues ("vous allez ou ?" et "t'es Syrien toi ?") et nos passeports tamponnes nous avons gagne le droit d'attendre, avec des dizaines d'autres personnes (dont beaucoup de kurdes, a en juger par les sonorıites de leur langue et l'accoutrement colore des vieilles femmes) chargees de gros sacs plastiques pleins de marchandises, que le portail qui nous separe du cote Turc du poste frontiere soit ouvert.

Une demie heure plus tard, c'est la cohue: un garde approche avec des cles. Une maree humaine se masse devant le portail, en bloquant l'ouverture, tandis que le garde se demene et aboie sur la foule pour l'ouvrir assez pour laisser passer les voitures. Durant cette operation, quelques petits malins se faufilent et passent avant tout le monde, avec les voitures. Ceux qui comme nous s'etaient trop rapproches de la porte se retrouvent coinces entre le grillage, la foule et les voıtures qui se frayent un passage au petit bonheur. Ben manque de laisser un genoux dans cette affaire. Apres les voitures, c'est au tour des personnes de passer au compte-goutte. Avec nos gros sacs a dos et notre manque d'experience du combat a mains nues, il nous est difficile d'avancer. Heureusement, un des flics avec qui j'avais un peu papote en franglais nous voit et nous tire par la main pour nous faire franchir le portail en priorite. Ouf, ca y est, on est sortis !

Du cote Turc notre statut de touriste nous a aussi aide a passer la frontiere en priorite. En allant faire tamponner nos passeports une main gantee de latex m'a subrepticement introduit un thermometre dans l'oreille; je suppose que ca a un rapport avec la virulente epidemie de grippe cochonne qui fait des morts par millions a travers le monde en ce moment. Quoi qu'il en soit, j'etais clean.

Un dernier controle de nos passeports par l'armee et on se retrouve a Nusaybin, trop contents de pouvoir enfin se relacher un peu devant un bon gros plat comme la Turquie nous y avait habitue. On premier minibus va nous deposer a Mardin, charmante petite ville touristique accrochee a flanc de montagne mais depourvue d'hebergement pas cher. Au passage, depuis le minibus on aura pu saisir le contraste flagrant entre les paysages cote turque et et ceux que l'on a vu le matin du cote syien. C'est comme si, au moment de decouper l'empire Ottoman, quelqu'un avait trace les frontieres de la Turquie a l'endroit exacte ou les terres vallonnees et fertiles de l'Anatolie cedent la place au desert aride et rocailleux de Syrie. Mais, ne dit-on pas "malin comme un Turc" ?

Apres Mardin, donc, un deuxieme minibus nous emmene a Diyarbakır. Diyarbakır, construite sur un plateau qui surplombe le Tigre, bastion des kurdes de Turquie, limite septentrionale de l'avancee Arabe au 7e. siecle et puis prise et reprise par tellement de royaumes locaux kurdes et turcs que les 6 km d'imposante muraille qui entourent la ville n'ont pas du etre construits uniquement pour faire joli.

Diyarbakir, sa muraille, ses bastions et les plaines du Tigre

A la suite d'une rencontre fortuite avec deux marchands de tapis qui voulaient nous faire decouvrir leur ville nous sommes entres dans une vieille maison restauree ou de vieux kurdes chantaient de longues complaintes traditionnelles, certains sur un ton melancolique, d'autres avec un air plus passionne.


Un kurde qui chante, c'est comme un Corse: faut vraiment pas le faire chier.



Assurancetourix


Enfin, la grande mosquee de Diyarbakır ressemble a une version miniature de celle de Damas. Elle aussi a ete construite par les Arabes sur une eglise byzantine elle meme construite par dessus un temple paien. Enfın bref, le beau bordel habituel quoi. Mais contrairement a la mosquee de Damas, sa deco est un peu fruste.

Avant de rentrer dans la mosquee nous avons enleve nos chaussures et pour Saroumane c'est difficilement supportable.


Iran or not Iran

Ca ne vous aura pas echappe: le temps n'est pas au beau fixe en ce moment en Iran. Or, entre la Turquie et l'Asie centrale, l'Iran est le seul pays stable et dont les frontieres sont ouvertes aux etrangers (vu le bordel dans le Caucase, c'est meme pas la peine de penser y passer).

Malheureusement avec les manifestations quotidiennes des pro-Moussavi et le durcissement de la position du gouvernement, la situation peut rapidement evoluer vers un violent bras de fer au milieu duquel il ne fera pas bon etre etranger, si meme on nous laisse rentrer.

C'est sur, on est pas censes arriver en Iran avant debut Juillet et il est surement trop tot pour faire des prediction mais quand meme, si la situation degenere on fera quoi nous, hein ?

Alors s'il vous plait messieurs et mesdames les supporters de Moussavi, vous allez arreter de nous enerver la police et monsieur l'Ayatollah, vous allez bien gentiment rentrer chez vous et vous aller vous remettre a twitter et a bloguer sur le foot et le dernier album de Brıtney Spears, et tout va bien se passer pour tout le monde. Votre democratie la, elle peut pas attendre le mois d'Aout, non ?

Palmyre

Mardi 16, ca y est, on quitte Damas la bruyante et l'on s'arrete une nuit a Palmyre, passage obligé en Syrie pour tout touriste quı se respecte.

Le car de Damas nous lache quelque part a l'entree de la vılle. On est un peu perdu, et on marche environ 2km vers ce qu'on espere etre le quartier des hotels.

euh ... on est où là ??


On en trouve un pas trop cher, avec confort minimal, sans clim quoi ...
Le soir, on se repose, en gardant la visite du site pour le lendemain ...

Ca y est, c'est parti pour une longue journee de marche dans le sable et les caılloux !


Mais si ! Je te dis que je saıs où on est !
C'est juste derriere la montagne là-bas !


C'est l'occasıon d'essayer notre nouvel appareil photo ... on vous laisse admirer ces magnifiques cartes postales :

Faut reconnaitre que ca n'est pas toujours tres bien rangé ...

Mad, cheveux courts et casquette-style


L'oasis, derriere les ruines ...


A l'interieur de l'oasis.


Le sale temps qui arrive, qui nous suivra jusqu'a Deir ez Zur.


"Ils avaient penser installer des cerisiers du Japon tout le long de l'allee,
crois-tu qu'ils l'ont fait ?"




Palmyre vu de haut.


Et pour finir, pour ceux qui ont eu le malheur de voir ce film:

De Tripoli au Crac en passant par la case emmerdes.

La semaine derniere nous sommes sortis du Liban, puis avons termine notre tour de Syrie en remontant par le Nord-Est a travers le desert.

A Tripoli nous sommes reste une journee, le temps pour moi de me faire couper les tifs, raccourcir la barbe et d'avoir enfin presque l'air d'un mec du coin (pour completer la tenue du parfait Libanais/Syrien, il ne me manquait plus que la chemise Empofo Armani ou DolceBabbana et le gel dans les cheveux). Le lendemain, la premiere d'une serie de longues journees nous attendait.

Au programme: lever a l'aube, puis attente d'une heure dans un taxi-collectif pour Homs en Syrie qui n'est finalement jamais parti faute d'autres passagers. On a donc attrape un car qui passait par la. Au passage de la frontiere cote Syrien, on se fait tamponner les passeports sans probleme mais c'est au moment de les faire controller que l'on tombe sur un petit flicaillon moustachu qui devait s'ennuyer ce jour la et a donc entrepris de nous faire passer un sale quart d'heure. Il a d'abord voulu savoir si j'etais Syrien ou Libanais. Ca, j'ai l'habitude. Non m'sieur l'agent, rien a voir, c'est Marocain mon nom (et si j'avaıs ete Syrien ou Libanais avec ce nom la, je roulerais sur l'or). "Ah, donc t'es arabe. On va donc parler en Arabe. Tu as de la famille en Syrie ou au Liban ?" Non m'sieur l'juge, cf. reponse a la premiere question. "Vous allez ou la ?" Et la, alors que l'on etait dans un bus a destination d'Alep qui devait nous deposer a Homs, je trouve le moyen de lui repondre la verite, c'est a dire ni Alep ni Homs mais le Crac des Chevaliers (que l'on devait rejoindre en minibus depuis Homs). Hmm, toute cette complexite a l'air de mettre son cerveau a rude epreuve. Surtout que sur notre formulaire d'entree on avait marque une adresse a Damas. Il nous fait asseoir, ca risque de prendre du temps. Il me fait repeter notre itineraire puis veut savoir qui est cet Abdallah Saade que l'on a indique comme etant notre adresse en Syrie. "C'est un ami, un Syrien". Son adresse ? Je lui donne le nom de la rue et il verifie aupres d'un de ses collegues que cette rue existe bien a Damas. Son numero de telephone ? Je lui donne le portable d'Abdallah. Il note scupuleusements toutes ces informations sur une feuille puis il essaye d'appeller. Ca sonne mais ca ne repond pas. On lui donne le numero de la mere d'Abdallah. Il parait tres satisfait de pouvoir nous soutirer toutes ces informations mais malheureusement la encore ca ne repond pas. Avec Ben on se regarde et on se dit que ca va etre notre fete. Il envoie faire des photocopies de nos passeports et recapitule avec moi tout ce qu'on lui a deja dit.
Pendant que l'on patiente, le chauffeur de bus et son co-pilote, qui sont a cote de nous, tentent de nous extirper de ce merdier. A coup de "allez, sois gentil" et de "ca se fait pas d'emmerder des touristes comme ca" il arrivent enfin a avoir raison de la patience du flic. Ou alors c'est juste qu'il avait plus envie de jouer, comme un chat qui se lasse de chasser la souris quand celle-ci ne bouge plus. Enfin bref, les copies de nos passeports en main il nous laisse partir sans aucune explication et nous remontons enfin dans le bus, direction le Crac.

Le bus nous laissera sur le bord de l'autoroute avant Homs, nous economisant ainsi l'effort de revenir en minibus. Une voiture qui passait par la s'improvisera taxi pour les 20 kilometres qu'il nous reste a monter jusqu'au Crac. Depuis le Crac des Chevaliers on a une vue imprenable sur la vallee en contrebas, probablement la region la plus verte et la plus fertile que l'on ait vu en Syrie. Il y a meme quelques arbres, c'est dire. Pas etonnant que les croises et les Arabes puis les Seljuks se soient tant affronte pour ce territoire. D'ailleurs, dans la region, une serie de petits villages porte toujours le nom de "wadi nasrani", "la vallee des chretiens" en raison de son importante population d'infideles.

Apres ca c'est retour a Damas par Homs dans bus hmm comment dire, tres inconfortable.

dimanche 14 juin 2009

Beirut tilt.

Beyrouth, sympathique petite bourgade jumelee avec le 16eme arrondissement de Paris, capitale mondiale de la biatch, du bling-bling et de la voiture chasse-pietons. Nous y sommes arrives vendredi apres-midi pour s'en enfuir ce matin dimanche pour Tripoli. Tout juste le temps de boire des coups au tarif "Grands Boulevards", de visiter la grotte de Jeitta (ouah !) et de perdre mon appareil photo dans un bus. C'est la joie. Evidemment, innocents que nous sommes, on a demande a notre hotel si il existait un service des objets trouves a Beyrouth et ils n'ont pas eu l'air de comprendre le concept. Le Grand Capital a repris son du, comme dirait Ben le rouge.
Depuis hier je me repasse dans la tete toutes les photos que l'on a perdu suite a cette magnifique action mais bon comme dirait Ben le philosophe "bah tu sais, c'est pas grave, c'est pas comme si on avait perdu nos passeports". D'accord, mais je vais mettre longtemps a relativiser...

mardi 9 juin 2009

Quelques photos en vrac

Oui ok, je tremble un peu ... mais faut dire qu'il bougait beaucoup quand meme !



Un concentre de stereotypes sur le Moyen-Orient: le narguile, le the, le backgammon, le ventilo, tout y est. On tient notre converture du Lonely Planet !


Evidemment, avec le Ben, ca fait moins moyen-oriental d'un coup...


Priere de s'essuyer les pieds avant d'entrer !


Dans GTA Gaza, les missions sont variees : rasez des maisons avec un tank, tirez des roquettes artisanales de l'autre cote de la frontiere, bombardez un hopital ou encore torchez-vous avec les resolutions de l'ONU, la liberte de jeu est totale !



Damas la moderne.


Globalement, on mange bien ...


Mais pas toujours ...


Apres midi a la plage
(non, en fait le desert vu du train Alep-Damas)


Ci-haut et ci-bas, le monastere de St Simeon, l'aventure a 25 km d'Alep.




La mosquee Omeyyade d'Alep et son minaret caracteristique (petite note culturelle: comment differencier une mosquee Ottomane d'une mosquee Omeyyade ou Mamelouke ? C'est bien simple, les minarets ottomans sont circulaires, alors que les omeyyades sont carres et les mamalouks octogonaux. N'oubliez pas le guide m'sieurs, dames)


Le temple de Jupiter, heu non pardon, l'eglise byzantine, heu non... la grande mosquee Omeyyade de Damas, qui trahit bien ses origines pas tres musulmanes.



Et pour finir, nous laissons le formidable, le sublime, l'infiniment bon, le "monsieur 99.9%" vous dire au revoir, il le fera bien mieux que nous:

"Au revoir"

Welcome to Syria (la suite)

Nous voila maintenant depuis 8 jours en Syrie, ou notre blog (de meme que Yahoo, Facebook et Hotmail, dangereux bastions de la contre-culture contestataire et pro-democratique comme chacun le sait) est theoriquement bloque mais ou tous les cybercafes ont un mode d'emploi pour contourner la censure en passant par un proxy.

On a deja nos petites habitudes, comme de commencer la journee par un jus banane-lait dans un des stands de jus de fruits que l'on trouve partout a Alep et a Damas (j'ai essaye le petit dejeun
er plus traditionnel, des feves et du humus mais j'ai vite renonce, il n'y a rien de tel pour vous plomber une journee avant meme qu'elle ne soit commencee). Ou encore de boire de l'Ugarit Cola, en hommage au plus ancien alphabet de Syrie, voire du Monde, retrouve a Ougarit. Ou encore de s'incruster dans les mosquees a l'heure de la priere et de se faire tres petits.

A Alep, l'arrivee fut un peu mouvementee. Le bus turc cense nous deposer en ville allait en fait a Damas et nous a lache juste apres la frontiere (ou mon nom de famille a encore fait froncer les sourcils du policier -"Toi, t'es Libanais ?") et ou, bonne nouvelle, le service-taxi jusqu'a Alep etait assure par un vieux van dont le chauffeur, un gros moustachu bouffi en robe, roupillait consciensieusement allonge dans son siege lorsque nous sommes arrives, l'image meme de l'indolence méditerranéenne. Mauvaise nouvelle, lorsque nous sommes montes dans son van, ce gros patapouf a exige 1000 livres syriennes pour nous conduire a Alep. On a beau eu dire que on avait deja paye notre billet de bus, qu'on allait pas payer deux fois, cette charogne capitaliste ne voulait pas lacher le morceau. Entuber les touristes au beau milieu de nulle part, c'est ca aussi le service Jet Turizm !

Apres ca, il faut dire que Alep nous a bien seduit. Par rapport a la Turquie c'etait un tout autre monde. Sauf a se promener dans le quartier chretien (avec ses eglises maronites, grecs orthodoxes, raeliennes, armeniennes et syriennes catholique - trouvez l'intrus), difficile de trouver un visage de femme non voile. Dans le souk, des patrouilles de fantomes noirs achetent des savons d'Alep, de l'huile, des epices, de la viande, des sous-vetements et des cosmetiques. De maniere generale le souk d'Alep c'est un peu l'antithese du bazar d'Istanbul: ici, on trouve peu de touristes, et les rues sont de vraies parcours du combattant, entre les transports de marchandise en camionnette, en moto ou en charette, les vendeurs de bric-a-brac made in china installes par terre installes par terre et les gamins qui courent dans tous les sens.


Au souk d'Alep

A l'inverse, le souk de Damas a ete bien restaure et ressemble plutot a ca, avec des avenues larges et hautes, et des facades droites et regulieres:

Au souq de Damas

A Alep, au detour d'une ruelle, on est tombes sur Ali l'etudiant en litterature anglaise soufi qui nous a fait visiter sa mosquee, sa coupole a l'acoustique phenomenale et son toit avec vue imprenable sur la citadelle d'Alep
. Il nous a aussi explique en longueur les tenants et les aboutissants de sa pratique soufie de l'Islam mais comme vous n'en avez surement rien a faire, on va en rester la.

Ali, notre ami soufi du Lundi


Vos serviteurs posent devant leur oeuvre, la citadelle d'Alep.

Les hotels pas cher d'Alep etant tous concentres dans un pate de 500 metre de cote, on a rencontre plein d'autres voyageurs, pour la plupart en voyage de plusieurs mois, certains du Caire a Istanbul d'autres d'Iran en Jordanie. Mais l'un d'entre eux, Johann, de Geneve, etait avec un groupe d'etudiants en urbanisme venus travailler quelques jours a Alep sur des projets de rehabilitation/restauration de la vieille ville et d'autres quartiers d'Alep et a presque reussi a nous incruster a son groupe pour la visite d'un camp de refugies paliestiniens situe en dehors de la ville. Au final, pour de supposees raisons de securites les accompagnateurs de l'UNRWA ont refuse...

Depuis Vendredi on est maintenant a Damas la magnifique ou on goute aux luxes de la vie damacene en compagnie de notre hote Abdallah.