jeudi 12 novembre 2009

Mais que sont donc nos amis devenus ?

Un dernier message avant de retrouver le cyber-obscurantisme chinois pour raconter tres brievement ce s'est passé depuis Xi'an.

Ben est en Nouvelle-Caledonie depuis le début du mois, apres etre descendu a Hong-Kong par Chengdu, Yanghsuo et Macao. Il rentre a Hong-Kong a la fin du mois.

Moi, en quittant Xi'an je me suis arreté a Luoyang admirer les grottes de Longmen et leurs milliers de Bouddhas mesurant de 2 cm a 17 metres de haut, puis a Shanghai, où le Bund etait malheureusement en travaux. Demain je quitte le pays des bisounours hygieno-fascistes en mini-jupe et je serais de retour a Shanghai le 15. Je ne pense pas m'y eterniser, mais vite aller remonter le Yang-Zi jusqu'a Chongqing en une semaine en passant, peut-etre, par Suzhou, Wuyuan, Wuhan et les 3 gorges. J'imagine d'ici le choc que j'eprouverais en retrouvant le bruit, le foutoir et les glaviots chinois.

Et apres, nul ne peut vraiment savoir ce que Bouddha nous reserve.

jeudi 5 novembre 2009

La route de Xi'an

La traversée du Turkestan oriental (comme on appelle le Xinjiang chez les moudjahidines) devait etre un vrai cauchemar pour les très rares voyageurs qui, comme Marco Polo ou le moine bouddhiste Xuangzuang ont parcouru d'un bout à l'autre ce tronçon de la route de la soie entre Kashgar et le fleuve Jaune. C'etait pourtant une voie de communication majeure entre la Chine et l'Asie centrale et c'est par la, le long de routes qui suivaient la lisière nord ou sud de l'enorme cuvette desertique du Taklamakan, entre des ville-oasis séparées de quelques centaines de kilometres de vide sidéral, qu'ont longtemps transite, de main en main et de ville en ville, la majorité des echanges entre l'orient, le sous-continent indien et l'occident chretien et musulman. Soie, pierres precieuses, sculpture Grecque, Islam, Bouddhisme, un cafe et l'addition s'il-vous-plait. Et quand, enfin, le desert du Taklamakan etait derriere, il fallait encore longer les 1000 km du couloir du Hexi (prononcer "reu-shi", "l'ouest du fleuve jaune"), un etroit passage entre le desert de Gobi au nord et les hauts plateaux du Tibet au Sud pour se retrouver enfin dans un milieu plus hospitalier, puis, au bout de la route, apercevoir Xi'an, la capitale chinoise.

(Voila, ce préambule culturel qui n'avait pour autre but que de fournir a ceux qui lisent ce blog -il en reste ?- depuis leur taf un sujet de conversation pour épater les collègues a la pause-café du matin est maintenant fini. Nous allons pouvoir reprendre notre programme habituel de sexe, de violence et de commenaires anti-chinois)

Quant à nous, personne n'a voulu nous preter de chameaux, voyez-vous. Meme contre de la precieuse verroterie, des porte-clefs Tour Eiffel venus de la lointaine Paris. C'est donc en train que l'on s'est rendus a Xi'an et tout ce qu'on a risqué, c'est de mourir d'ennui. De mémoire, de Urumqi a Hami, puis de Hami a Jiayuguan (province du Gansu) ce fut 10 heures, puis encore 10 autres de voyage avec, a la fenetre, rien d'autre a se mettre sous la dent qu'un enchainement interminable de steppes arides et de dunes de sable. Une vingtaine d'heures de train, c'était juste suffisant pour maitriser les subtilités techniques du Trou du Cul (je mets des majuscules pour bien signifier que je parle du jeu de cartes et non de l'organe) et à peine assez pour comprendre les regles du Tarot. Heureusement, de Jiayuguan a Xi'an, il nous restait encore un trajet de 18 heures.

Le fort de Jiayuguan, a l'extremité Ouest de la Grande Muraille, fut construit au milieu du corridor du Hexi pour repousser les incursions barbares et contrôler le commerce. Il marquait traditionnellement la limite occidentale de la Chine, meme si son empire s'étendait souvent bien au-dela. (Ca, c'etait pour leapause-café de l'apres-midi.) Aujourd'hui c'est devenu un grand parc d'attraction bien propret ("Welcome to Jiayuguan fort historical touristic cenic spot !") avec des hectares de parkings, des quartiers entiers de vendeurs de souvenir, de porte-bonheurs et de friandises locales et des haut-parleurs diffusant musique et messages le long du parcours. On allait pas tarder a decouvrir que c'était le modèle classique de developpement des attractions touristiques, historiques ou naturelles, en Chine: on cloture, on restaure à bloc pour que ça fasse joli, on rajoute plein de fioritures pour que la sortie du dimanche du touriste chinois soit agréable, et on construit une tres jolie billeterie pour qu'il soit content de payer le pix d'entree exorbitant. Sans oublier les pannonceaux en anglais que l'on dirait rédigés par un Goebbels chinois analphabete, noyant leur propagande nationaliste sous une epaisse couche de fautes de frappes et de syntaxe, au point d'en devenir totalement incomprehensibles (exemple, à la mosquee de Kashgar: "[...] it shows fully that Chinese governement always pays special attentions to the another and historical cultures of the ethnic groups, and that all ethnic groups warmly welome Part's religious policy. It also shows that different ethnic groups have set up a close relationship of equality, unity and helps to each other, and freedom of beliefs is protected". Comme ecriraient mes amis un peu pédants: sic !)

Ceci dit, ce fort en terre crue au milieu d'un paysage desertique valait son pesant de cacahuetes. Et puis, symboliquement, nous etions enfin arrivés en Chine.

Xi'an, l'ancienne capitale, certains y vont pour comprendre l'histoire de la Chine mais pour nous ce fut un grand bain de modernité. Des rues illuminées aux néons des enseignes, bondées de jeunes en sapes occupés a faire du shopping a toute heure de la journée, ca faisait tres longtemps que l'on avait plus vu ça. Nous etions logés au calme dans une auberge de jeunesse installée dans un batiment historique ayant servi de QG a l'armée populaire durant la guerre civile. La salle commune, ambiance foyer de lycée, était equipée d'ecrans plats et de lecteurs de DVD au fonctionnement erratique et debordait dans la cour ombragée ou, quand il ne faisait pas gris et moche, on pouvait siroter des bières en jouant aux cartes. Inutile de dire qu'on a passé la-bas beaucoup plus de temps qu'il n'était raisonnable.

Alors qu'on ne devait y rester que deux jours, avant de tracer vers Hong-Kong pour sortir du pays avant la fin de notre sejour autorisé de 20 jours, on est restés au final plus de 10 jours a Xi'an, puisqu'on a du y attendre que le bureau chargé de la prolongation des visas ouvre apres les 8 jours de vacances post-Fete Nationale, et qu'il nous rende nos passeports, une semaine apres, une page en moins mais 20 jours de sejour en plus.

mardi 3 novembre 2009

Les aventures de Vigipirate dans le Xinjiang

Les routes du Xinjiang, donc, sont truffées de brigands analphabetes en armes qui arretent les vehicules pour un oui pour un non. Ah non pardon, on m'informe que c'etait des barrages policiers. Le plus rigolo ce fut le trajet entre Hotan (en chinois, He-tian) et Turpan (Tu-lu-fan), dans un bus-couchettes (une bien belle invention si l'on mesure 1m60, un instrument de torture monté sur essieux sinon) qui se trainait le long de la route coupant a travers la mer de sable du desert du Taklamakan, s'arretant sans cesse pour un oui pour un non, pour faire monter des passagers supplementaires (au milieu du desert, je vous le rappelle), pour s'arreter manger, pour faire un petit pipi ou un gros caca a la fraiche derriere la dune, ou pour on ne savait trop quelle raison. Sur cet interminable trajet de 26 heures, donc, on a du etre arrete 4 fois pour des controles d'identite, dont 3, evidemment ont eu lieu entre 2h et 7h du matin (il doivent vivre sur le meme fuseau horaire que le FBI), et le dernier le lendemain alors que nous regardions Le Tournoi, avec Jean-Claude Vandamme doublé en Ouyghour (une experience que je deconseille vivement - de meme que de s'endormir sur un nanard anglais avec un virus, des zombies, des punks et des chevaliers, qui parlaient tous eux aussi Ouyghour).

Apres, ce fut a Urumchi - où les lumieres de la modernite nous ont ebloui de nouveau apres tant de mois passes dans l'obscurite, que nous avons ete reçus a notre arrivée par des flics en tenu de combat noire marquee "SWAT" qui ont ouvert nos sacs mais qui, malgre leurs intenses efforts de concentration ont eux aussi perdu au jeu "dechiffrons le passeport" - pour eux encore, nous etions américains... Avant de quitter Urumchi par le train, nos sacs furent encore une fois inspectés aux rayons-X (ils vont finir par attraper le cancer) et nous nous sommes fait confisquer les shlasses top-classes que nous avions acheté en guise de souvenir a Hotan (les couteaux sont une specialité de l'artisanat Ouyghour, mais depuis les émeutes de Juillet et de Septembre, on a cru comprendre que leur vente et possession avaient été interdits).

Les villes aussi étaient en état de siège. A Kashgar, a Hotan et a Ulumchi, l'armée patrouillait le long des rues et, barricadés derrière de hauts sacs de sables et protégés par des parasols China Telecom, des bataillons en tenue de cassage d'Ouyghour étaient postés a intervalles réguliers le long des avenues. Sur la grande place centrale de
(où trône une magnifique statue représentant Mao serrant la main d'un vieil Ouyghour), on a assisté médusés à l'arrivée en trombe d'une demi-douzaine de camions de transports de troupes pleins a craquer suivie d'une demi-heure complètement hallucinante d'exercices en armes entrecoupés de séances de cri primal. Ben était en admiration devant les lance-grenades. J'avais l'impression de regarder un remake chinois de Full Metal Jacket.

Tout ça pour quoi, au juste ? J'imagine que depuis les violentes emeutes de Juillet, puis celles de Septembre, l'armée et la police ont été envoyées en masse dans le Xinjiang pour empecher les Ouyghours et les Chinois de s'annihiler mutuellement et, avec la grande fête nationale du 1er Octobre qui approchait, la priorité devait etre d'éviter un nouvel incident qui pourrait gâcher la liesse populaire que tous les citoyens de la republique populaire de Chine étaient obligés de ressentir, de gré ou de force.
Toujours est-il qu'en sortant du Xinjiang, j'avais l'impression de quitter une cocotte-minute sous pression.

dimanche 1 novembre 2009

Morceaux choisis des episodes precedents: Irkeshtam et Kashgar

21 Septembre: Reveil a 8 heures, un immodium et c'est parti pour un nouveau passage de frontiere en altitude. Une derniere fois, des militaires et des policiers kirghizes regardent nos passeports les uns apres les autres, sans raison particuliere en nous demandant si on est americains et si on transporte de la cocaïne et des "gunsters", puis nous font grimper dans des camions de passage pour le poste frontiere chinois. Au revoir, l'Asie centrale !
Le premier contact avec la Chine fait moins rigoler. Acceuilli par une enorme carte du pays tracee a flanc de colline et des militaires droits comme des "i",puis soumis a une prise de temperature et a cette question suprenante: "transportez-vous des livres ?", je tombe des nues quand je vois , sur le comptoir du flic qui tamponne nos passeports, une petite boite avec 4 boutons sur lesquels on peut appuyer pour donner notre avis sur la qualite du service (de "fully satisfied" a "poor customer service"). Comme le flic a accepte de tamponner une page deja utilisee, j'etais entierement satisfait.
Nos passeports auront ete feuilletes par au moins dix paires de mains differentes, kirghizes et chinoises, reduisant encore un peu plus leur esperance de vie. Mais Kashgar est presque en vue !

Nouveau choc a la sortie du poste frontiere: la route est bitumee, elle ne se desagrege pas par petits morceaux. C'est moins fun, mais pour compenser la voiture made in China fait des bruits de plastique et de tole a chaque mouvement (et, autre signe d'une fabrication solide, le bouton d'ouverture de la vitre a casse quand j'ai appuye dessus). Pour ne pas trop nous depayser, le chauffeur klaxonne toujours comme un bourrin, pour annoncer aux autres vehicules que - TUUUUT TUUUUUT - il arrive, que - TUUUUT TUUT TUUUUUT - il va les doubler, que - TUT TUT TUT TUUUUUUT - il est en train de les doubler et que - TUUUUT TUUUUUT, ca y est, il est devant. Cela dit, les paysages sur la route de Kashgar, alors qu'elle traverse le noeuds de montagnes a la jonction des massifs des Pamirs et du Tien Shan et se fraye un chemin jusqu'a la lisiere du desert du Taklamakan sont vraiment splendides, peut-etre les plus colores que l'on voie depuis longtemps. Montagnes rouges qui encadrent des vallees verdoyantes ou gigantesques plaines de pierres grisatres entourees de hauts pics tout blancs, avec des troupeaux de chameaux et des yourtes ici et la, on a envie de s'arreter et de brailler du Jean Ferrat.

Kashgar: ses restos chinois ou il fait bon deguster du chao fan a 50 centimes, ses magasins modernes, ses boutiques de mode et d'electronique et sa vieille ville assiegee par des tours d'habitations et des chantiers de demolition. Du puissant empire de la route de la soie et de l'une des villes cles de la lutte d'influence entre russes et britanniques au siecle dernier, il ne reste pas grand chose, si ce n'est les habitants, les Ouyghours (les Yougourts, comme dirait Koukouche) qui avec leurs mosquees, leurs vieux barbus a chapeau, leur viande de moutons en vente a tous les etalages et leur salons de the "a la persanne" (assis sur des banquettes), lui donnent un air furieusement centre-asiatique, bien plus que n'importe quelle autre grande ville d'Asie centrale. Parce que, on a beau se plaindre, mais Kashgar semble culturellement bien plus singuliere que les pays d'Asie centrale, ou je suspecte que 100 ans de colonisation tsariste puis sovietique ont bien mieux reussi a effacer traditions et coutumes, a fermer les mosquees et a lisser les differences entre les peuples qu'une republique populaire trop occupe a developper l'est de la Chine pour se meler des affaires de son Turkestan Oriental, a 3 ou 4 jours de train de Pekin. Contrairement aux Ouzbeks et aux Tajiks, les Ouyghours ont garde leur alphabet derive de l'arabe et dans le Xinjiang, tout est bilingue parce que rares sont les Ouyghours qui parlent mandarin. On y entend aussi des appels a la priere, interdits par exemple en Ouzbekistan.

Mais bon, la politique de colonisation massive du Xinjiang par des chinois et les discriminations a l'encontre de ceux qui ne parlent pas mandarin passent mal et debouchent parfois sur des affrontements "presque traditionnels" (c'est toujours Koukouche qui parle) comme l'ete dernier, depuis lesquels le Xinjiang est en quasi etat de siege. Sur le chemin de Kashgar, en 4 heures de route, on a passe 2 checkpoints et un barrage où l'armee controlait les vehicules avant d'arriver en ville. Et ce n'etait que le debut...